James Bond est un esthète, un être raffiné. Il n'y a qu'avec les girls qu'il se conduit en compulsif, quoique l'homme ait mis un peu d'eau dans sa vodka-martini depuis la fin de l'ère Moore et l'émergence des "années Sida". Ainsi, Bond ne boit pas de champagne; il déguste du Dom Pérignon (53 de préférence). Dom Pérignon qui a tout piqué aux Audoix en passant à Limoux mais c'est un autre débat.
Il ne porte ni chemise ni montre mais enfile des Turnbull & Asser sur mesure de Jeremyn Street et regarde le temps qu'il lui reste à vivre, d'abord sur sa Rolex Submariner sous Connery, Lazenby et Dalton, puis sur son Omega Seamaster depuis Brosnan. C'est la costumière en chef, Lindy Hemming, qui décréta que le "fond bleu de la Seamaster d'Omega captait au mieux l'essence de la distinction britannique et qu'il se mariait parfaitement avec le smoking bleu nuit de 007 ainsi que son uniforme de la Royal Navy".
Bond ne fume pas non plus de cigarettes mais savoure la nicotine d'une Morland Special ou s'autorise parfois un écart avec un havane de Cuba.
Enfin, Bond ne conduit pas de voiture. Il roule en Aston Martin, bien qu'il puisse être aperçu aussi dans une Lotus à la fin des années 70 ou encore -ô sacrilège- dans une BMW durant les années 90. Ian Fleming vouait une passion immodérée à l'élégance automobile, et notamment à la Ford Thunderbird. Sa femme Ann ne partageait absolument pas cette passion; elle qui ressortait plus souvent qu'à son tou secouée non agitée par les accélérations de cet "oiseau-tonnerre" sur bitume.
Ah!! Aston... Ian Fleming avait cinq ans quand en 1913, Lionel Matin et Robert Bamford fondent leur marque de voitures vives et smart. Martin pour le patronyme d'un des co-fondateurs et Aston en hommage à la course d'Aston Clinton que ledit Martin avait gagnée cette année-là.
Cependant, dans les romans de Fleming, 007 a daigné prendre place au volant d'une décapotable Bentley 4,5 litres gris fer à compresseur Amherst-Villiers avant de céder pour le coupé Continental S2. C'est le cas encore dans le second film de la série, Bons baisers de Russie, où 007 s'octroie quelques instants de repos en galante compagne dans la campagne anglaise grâce à sa Bentley.
Et puis, tout change avec Goldfinger. Dans le livre, il s'entiche de sa première Aston Martin, la DB Mark III, dont le nom renvoie au initiales de David Brown, le propriétaire de la firme à la sortie de la guerre. Dans le film, 007 découvre la toute nouvelle bombe sortie e l'usine de Newport-Pagnell, truffée de gadget insensés: l'Aston Martin DB5, modifiée par "Q", embarquant pêle-même un radar, des mitraillettes dissimulées derrière les phares, un butoir télescopique en acier, des papillons de jantes découpe-pneus rétractables, un canon à huile et à eau et, bien sûr... un siège éjectable.
1964
Au début, pourtant, le constructeur n'est pas emballé à l'ide de prêter un de ses modèles. Sa DB5 n'est encore qu'un prototype, présenté officiellement au salon Earls Court Motor Show d'octobre 1963. La détermination de John Stears, l'homme des effets spéciaux des Bond, infléchit sa position. Aston Martin accepte de prêter son dernier joyau. 007 hérite donc de sa fameuse Aston gris argenté qui ne tarde pas à voler toutes les scènes où elle figure.
En réalité, le constructeur prête deux exemplaires de sa DB5: l'une, rebaptisée "Effect car", immatriculée BMT216A et qui embarque toute la panoplie de gadgets. Elle sert aux gros plans lors de leur activation. L'autre, baptisée "Road car", portant la plaque FMP7B, sert de doublure à la précédente.
La seconde voiture est destinée aux poursuites, notamment dans le col de la Furka en Suisse où Bond prend en filature la Rolls Royce Phantom III 1937 de Goldfinger.
Toutefois, des aléas mécaniques auront raison de cette belle planification, puisque lors d'une des séquences en Suisse, la "Road car" tombera en panne et sera remplacée par l'"Effect car", expédiée en urgence depuis les studios de Pinewood.
Lors du tournage, l'"Effect car" est l'objet de toutes les attentions. Mike Ashley, un VRP d'Aston Martin, est prié de veiller sur elle jour et nuit. Il s'occupe personnellement de l'entretien, l'achemine hors plateau, la mène d'un site à l'autre au gré des prises, l'hexibe lors des premières officielles et assure la promotion.
Une star mécanique est née. Pourtant, certains des gadgets qui ont nourri sa légende sont factices. "Rien ne marchait dans cette voiture", se souvient non sans mauvaise foi Guy Hamilton, le réalisateur de Goldfinger. "Le siège éjectable n'avait même pas été construit. Un cascadeur devait faire semblant de s'envoler dans un plan, avant d'être remplacé par un pantin pour le vrai vol plané deans le plan suivant".
Une imposture la belle de Pagnell ? Tout de même pas !!
1965
La DB5 revient naturellement en guest-star dès les premiers plans du film suivant, Opération Tonnerre. Ou plutôt, devrait-on dire les deux DB5: lors du pré-générique au château d'Anet, la BMT216A dévoile son écran pare-balles dissimulé dans le coffre tandis qu'un plan raccord sur sa soeur, la FMP7B, montre James en train de ranger le Bel-Jet Pack dans le coffre.
Pour la promotion de ce quatrième Bond, EON décide d'équiper sa "Road car" à l'identique que l'"Effect car" afin que les deux voitures deviennent interchangeables.
La légende dit qu'une nuit, alors que Mike Ashley doit rallier Paris depuis l'Italie via la Nationale 7, l'heureux conducteur se prend pour James Bond. Tandis qu'il traverse un petit village à une vitesse inavouable, il se fait repérer par une patrouille de gendarmes. Par réflexe, il décide de déjouer le barrage en pivotant les plaques d'immatriculation britanniques en série suisse. La patrouille suivante l’arrête mais un gendarme aurait déclaré "Non, ce n'est pas elle. C'est une voiture suisse et nous cherchons une anglaise."
La "Road car" revue et corrigée a été vendue une énième fois aux enchères chez RMA en 2010 pour 3.3M€. L'"Effect car" reste quand à elle introuvable depuis qu'elle ait été dérobée dans un hangar de Floride.
Une belle intro: http://www.rmauctions.com/bond/
La suite bientôt
