Voilà, j’ai reçu ma Vantage 4.7 V8 2013 que je loue pour 1 mois, et je découvre l’univers Aston, qui fait parait-il « les meilleures voitures d’un autre monde »… Et en effet, me voilà dans un univers bien excentrique, anglais à souhait. Déjà ces portes en ailes de cygnes, sans crans d’arrêt, avec une cinématique d’horloge Suisse, les poignées de porte déroutantes, le compte-tour à l’envers jusqu’à la manière excentrique de valider le GPS, on sent bien que cette voiture a été faite par des gens qui ont leur propre idée de comment doit tourner le monde. Bon avant de me lancer plus avant, je précise tout d’abord mes références de voiture, car mon jugement est bien sûr relatif à ce que je connais : en l’occurrence, Mitsubishi 3000gt, Audi S5, Ferrari F360 F1 et Range Sport V8SC. Je comparerai plus particulièrement avec la Modena qui est plutôt dans la même catégorie. A priori, l’ainée Vantage sera avantagée, car elle est sortie la même année que la F360 a terminé sa carrière… Ce qu’elles ont en commun : ce sont des strictes 2 places avec un moteur V8 atmosphérique (avec plus d’1L de cylindrée en faveur de l’Aston cependant) d’environ 400 ch chacune, une boite robotisée du même fabricant Magneti-Marelli et une carrosserie aluminium. Quelles différences font les 1600km qui séparent la pluie de Gaydon du chaud soleil de Maranello ?

Les photos ne rendent pas justice à ce modèle, que ce soit à l’extérieur ou même à l’intérieur, qui me semblait très quelconque. Quelle erreur ! J’ai ainsi pu découvrir une chose que je pensais disparue de l’univers automobile : la qualité des matériaux. Entre les morceaux de plastique parfaitement ajustés d’une Audi et les pièces de cuir artisanalement (et parfois approximativement) reliées, mon choix est vite fait : du vrai, du beau. Des boutons rotatifs en aluminium, une clée avec une partie en verre, des poignées de portes et des marchepieds en aluminium massif, les sorties d’air extérieures en chrome, les grilles de refroidissement du moteur métallique… Maintenant, la DB9 est clairement au-dessus de la Vantage sur cette question : certains boutons sont en bête plastique, pas en verre par exemple. Mais je chipote, là on est dans une voiture de « jeune » (c'est-à-dire moins de 40 ans…) on est donc censé être moins psychorigide sur ces détails (et un peu moins riche).

A Londres on m’a dit qu’il fallait 9 vaches pour faire une Rapide et que à la différence des autres marques c’est toute l’épaisseur du cuir qui est gardée et non une très fine couche collée sur du plastique. Et bien pour moi ça compte, mais il n’y a pas que ça. Ma belle de 39'000 km à une odeur terriblement attachante et j’ai décidé unilatéralement que c’est uniquement dû à cette de foison de cuir.

Après l’ouverture merveilleuse de cette porte, et la mise en pression automatique de la boite, on s’assit sans difficulté. La mise en marche du moteur est théâtrale, classe, un moment parfait avec la pression sur cette surface en verre et le réveil du V8, superbe, un brin racaille quand même mais on a dit que c’était une voiture de Djeun J Le GPS qui sort révérencieusement contribue même à cet instant magique.

Là j’en profite pour faire un petit arrêt sur image en rejouant la même séquence de démarrage dans ma Modena : On glisse sa main dans un cache aérodynamique, on tire ca grippe un peu, la porte s’ouvre (au ras du sol…) sans cérémonie. La pompe du compresseur se met en marche… elle fait un bruit bien proche de celle de l’Aston d’ailleurs, on y reviendra. On s’installe avec un mouvement inquiétant du séant tant c’est bas, on met la clé, on tire les palettes pour mettre le neutre, on ré-appuie sur la télécommande pour désactiver l’alarme, et on tourne à fond une clé que l’on ne voit pas, avec un résultat final tout aussi réjouissant… mais c’est moins raffiné, ce n’est pas un aussi bel instant plutôt un geste utilitaire.

A ce stade, Ô lecteur béat d’Aston Passion, vous pensez sans doute que je vais déblatérer pendant des lignes de manière obsessionnellement élogieuse sur « ma » Vantage. Que nenni, je suis sous le charme mais pas hypnotisé.

Revenons dans notre Vantage. Oublions tout de suite le traditionnel sélecteur de boite auto central, ici on presse des boutons pour se déplacer, D, R, ou N. Ok pour D, mais attention il faut d’abord trouver ce frein à main, à gauche (pourquoi pas, disons que c’est un anglicisme) qui a la particularité, même tiré de pouvoir se remettre en position horizontale, c’est très surprenant et s’y on y songe obligatoire… puisque que l’on passe par-dessus quand on s’installe… Honnêtement le démarrage en côte d’une Aston est presque aussi éprouvant que celui d’une Modéna, vraiment pas une partie de plaisir surtout que j’ai toujours du mal à enlever complément le frein, ma main touchant le bas de porte pendant la manœuvre…
Evoluer « au pas » en 1ere en Vantage est au moins aussi malaisé je trouve qu’en F360 : ça broute, ça hésite. J’ai même réussi à caler deux fois en marche arrière sur une pente à peine visible, et même en roulant! D’ailleurs, je ne sais pas pour Aston mais en berlinette Ferrari boite séquentielle, la règle d’or est : « Pas de marche arrière en montée » (sauf si on a des actions chez des fabricants d’embrayages). En conclusion, ce qui pouvait passer il y a 10 ans fait un peu dépassé aujourd’hui où même les VW Polo se pavanent en DSG…

La première impression en roulant est que l’on est terriblement loin du pare-brise. Je pensais monter dans une voiture plutôt routière, non, on est presque plus couché que dans la Modena. Mais ça ne s’arrête pas là car le pare-brise est lui-même terriblement loin du bout tu capot. Au final, on ne sait pas où la voiture s’arrête devant. En général ce n’est pas grave, dans un parking étroit avec une boite séquentielle un peu nerveuse c’est moins drôle. Ça c’est une différence flagrante avec la Modena où la situation est… inversée, logique le moteur est derrière J mais le problème est identique en marche arrière

La deuxième impression, ce sont les bruits de roulement assez significatifs. Dans une voiture aussi cossue, ça fait tache (je ne parle pas de la 360 où l’on a en prime les cailloux qui tapent dans les logements de roues). Bien sûr les roues sont grandes et les tailles basses, mais quand même… d’ailleurs même la DB9 a un problème similaire quoique moins chronique.
Ensuite vient le test qui compte beaucoup pour moi : le bruit fenêtre ouverte. Sur la Modéna, c’est dingue on entend très peu le bruit du vent, du coup on profite de celui du moteur. Mais sur la Vantage c’est exactement le même syndrome que dans mon Audi S5 : vitre (disons lucarne) ouverte, le bruit extérieur du moteur est presque entièrement couvert par le vent. Même dans mes endroits préférés où je sais que le relief me renvoie normalement un joli bruit, il faut au moins un tunnel c’est dire…

En conduite plus « inspirée », la question est posée de savoir si l’on peut vraiment avoir une voiture heureuse de prendre des virages avec un moteur à l’avant. J’ai eu l’occasion de rencontrer par le passé 2 modèles à moteur avant qui ne sous-viraient pas lamentablement: la 3000gt Mitsubishi et la Corvette C6/Grand Sport. Mais j’ai découvert avec la Lotus Elise, l’Opel Speedster et surtout la F360, ce que signifie vraiment d’avoir une voiture enthousiaste en virage. Sur le papier déjà, la Vantage a 51% sur l’arrière contre 58% pour la Modena (mais j’ignorais ces chiffres avant de faire les tests, je croyais qu’ils étaient voisins). En pratique, ben, disons qu’elle est assez neutre. C’est mieux qu’une Audi S5 (quand même!), presque neutre (on sent bien que les 4 roues travaillent dans un changement de trajectoire à 120, exactement comme la F360), mais il faut vraiment s’habituer à trouver le bon moment pour ré-accélérer au cours du virage. Ainsi, en certaines occasions j’ai réussi à parvenir à resserrer un virage à l’accélérateur (je parle ici sans tricher en balançant la voiture), j’ai même été surpris une fois par un survirage un peu sec….


La question de la puissance maintenant, en fait je vais parler de la puissance perçue, subjective (les chiffres sont voisins, la Vantage concédant 3/10 au 0-100…), comme on dit : « à quel point ça pousse » ce qui est loin d’être la même chose... Déjà cette boite simple embrayage est brutale dans ses changements et donne un certain sentiment de sportivité (il m’est même arrivé qu’un passage de vitesse déclenche l’anti-patinage !).

Bon, à défaut d’arracher, le confort général est supérieur à la Modène, sans en faire pour autant une grande routière. Il est tout à fait envisageable de faire 200km d’autoroute avec, ce qui est définitivement une punition en F360. La suspension est ferme (en mode confort) et les sièges sont plutôt durs, certains pourraient ne pas aimer. Personnellement cela me convient plutôt (dans une optique court trajet), mais si j’en achète une, il est possible que je les ferai néanmoins modifier (je suis assez maniaque en la matière...

Cela m’amène au sujet le plus personnel de cet essai : quel est le sentiment que l’on a en conduisant cette voiture ? Je m’explique. Dans une Audi S5, c’est une sensation de cocon ouaté, plutôt reposante et sécuritaire. Dans un Range Sport c’est celle d’être un capitaine de navire, bien campé les bras sur les accoudoirs, en hauteur, avec une bonne vision périphérique (le mythique « command driving position » de Land Rover), une excellent insonorisation, un moteur discret, ce qui est su final n’est pas du tout cocoon mais donne un sentiment très zen et encore plus relaxant que l’Audi. Dans une F360, je n’ai jamais réussi à me détendre, en fait c’est une voiture qu’il faut prendre exclusivement quand on est en forme. Elle va en demander toujours plus au long du trajet, et on ne peut pas résister. Le sentiment général est d’être en symbiose avec une panthère déchainée, c’est le règne de l’instant, du sport mécanique flamboyant. La Vantage c’est un peu le compromis entre l’Audi et la Ferrari, mi-relaxante, mi-excitante. La boite vous rappelle à chaque instant que c’est une voiture de sport, mais l’ambiance générale est assez à l’écart du monde, une ambiance insulaire, quoiJ. Dans cette auto j’ai toujours le sentiment d’être dans un univers d’exception, de conduire un engin très différent des autres, et d’être différent au final, ce qui flatte toujours l’ego avec délicatesse en définitive…
Et les autres justement, que voient-ils ? Je suis habitué à ce que les gens repèrent ma Modéna quand je roule. Mais cette Vantage, en plus de couleur sombre, est –théoriquement- incomparablement plus discrète. C’est sans compter sur son allure générale, inhabituellement très tendue qui fait que j’ai été surpris de voir tout autant de réactions à son volant que dans ma Ferrari toute rouge. Ainsi je croise un père et ses 2 garçons, qui font des bons partout en montrant la Vantage du doigt, le père sourit et explique en me regardant « c’est une Aston Martin, la voiture de James Bond !».

Alors, ma conclusion ? Tout d’abord, je confirme que l’on perçoit bien le bras de mer qui sépare ces autos. Ensuite, malgré tous ses défauts, cette Aston a du charme. Finalement, pour ce qui me concerne, elle est un peu trop proche de la Modéna, donc tant qu’à prendre une Aston, une DB9 me semblerait plus appropriée et véritablement à 1600 km de Maranello. Son capot et ses hanches la rendent d’une part encore plus désirables que la Vantage, et son luxe, son convertisseur et son insonorisation d’autre part en font une voiture plus exceptionnelle encore.

