J'avais déjà posté ça ailleurs il y a quelques années, mais comme c'est de l'histoire, ça en intéressera sans doute quelques uns...

L’ancienne usine Aston Martin de Newport Pagnell, Buckinghamshire, a définitivement fermé ses portes en Juillet 2007.
A la suite du rachat par Ford, en 1989, la production avait déjà été délocalisée, tout d’abord dans l’ancienne usine Jaguar de TWR à Bloxham où furent fabriquées toutes les DB7, et ensuite dans l’usine ultra-moderne de Gaydon, où se trouve aujourd’hui le siège de la marque et où sont fabriqués tous les modèles actuels.
Historiquement, Aston MArtin était installé depuis les années 30 à Feltham, dans le Middlesex, l’usine avait ensuite été déménagée à Newport Pagnell par David Brown après son rachat des ateliers « Tickford » en 1954.
Les premières voitures intégralement fabriquées ici furent donc les DB4 et les dernières furent les Vanquish S. Aston Martin termina la lignée par une série limitée dite UE ou « Ultimate Edtion » de 40 exemplaires. Mécaniquement semblable à sa grande sœur, elle s’en différenciait par une sellerie spécifique ainsi que la couleur de carrosserie, noire exclusivement, ainsi que des badges spécifiques posés sur les enjoliveurs d’ouïes de ventilation sur les ailes.
Le petit reportage qui suit est consacré à la fabrication de ces derniers exemplaires. Il a été réalisé à l’occasion de l’une des dernières visites d’usine à laquelle j’ai eu la chance de pouvoir participer.
Pour ceux qui ne connaissaient pas le site de Newport Pagnell, voici une vue générale du site de l’autre côté de la route tel qu'il se présentait à l'époque. La petite maison victorienne sur la droite, dénommée « Sunnyside », est l’ancien siège administratif où David Brown et ses successeurs avaient leur bureau, le grand bâtiment à deux étages sur la gauche était l’atelier de mécanique où furent fabriqués les moteurs entre 1954 et 2000… Enfin, derrière, partiellement visibles, on distingue les toits des ateliers où furent fabriquées toutes les Aston Martin pendant près de 50 ans. Ces derniers ont malheureusement disparus, rasés pour un programme immobilier qui n'a jamais vu le jour.

La photo ci-dessus est prise du parking de « Works » (anciennement "Works Service"), division assurant aujourd'hui l’entretien et la restauration des voitures. A l'époque, les châssis et carroseries étaient fabriqués d'un côté de la route et les moteurs de l'autre. Si on traversait Newport-Pagnell en semaine en voiture, il était courant de voir deux type en train de traverser la route en poussant un "trolley" portant un moteur V8... Ou le taylorisme vu par les anglais.
La DB6 du premier plan est l’ancienne voiture de Paul Mc Cartney. Rachetée et restaurée par l’usine, elle est utilisée comme vitrine du savoir-faire maison en matière de restauration. La légende raconte que « Hey Jude » aurait été composée à son bord à l’aide d’un magnétophone installé à la demande de son propriétaire. Si non e vero…
Les photos suivantes illustrent le mode opératoire de construction de la voiture dans l’ordre de son passage devant les postes de travail. La voiture était en grande partie fabriquée manuellement, hormis le châssis venant de l'usine qui fabriquait ceux de Lotus et le moteur assemblé dans l'usine Ford de Cologne.
Le premier poste était celui du formage. Les parties aluminium, coffre, ailes et portières arrivaient à l’usine préformées. Elles étaient placées sur un marbre (visible au premier plan) et formées au gabarit exact de la pièce définitive par le « panel-beater ». C’était long (et bruyant...), mais aussi la garantie d'un ajustage irréprochable.

Ici, les couvercles de malle en attente de montage.

Voici la cellule centrale ou "tub". C’est une baignoire en aluminium extrudée sur laquelle est collé le tunnel de transmission en carbone. L’intégrité structurelle de la voiture repose sur ce montage composite. Dans le cas de la Vanquish, il arrivait à l’usine tel quel depuis le sous-traitant. L’usine a, depuis, intégré les process d’extrusion et de collage à l’usine de Gaydon pour la gamme actuelle. C'est ultra rigide et résistant mais il y a un hic... Comme tout assemblage composite, en cas de choc important, cette cellule n'est pas réparable... Il y eut ainsi quelques Vanquish accidentées et dont les dégâts ne semblaient à priori pas irréparables, mais qui furent envoyés à la casse pour cette raison.


Ca ne se voit pas encore, mais c’est bien une Vanquish…
La prochaine étape consistait à monter la « carrosserie », encadrements latéraux et pavillons. On voit sur la photo suivante les pièces en attente de montage, et on commence à avoir une petite idée du modèle…

Ces dernières étaient alors collés à la « baignoire » initiale à l’aide de trois gabarits permettant de garantir alignements et ajustements.

L’ensemble était ensuite sorti du marbre pour être habillé des différents panneaux d’aluminium terminés par les tôliers-formeurs du premier poste.

La qualité d’ajustage est bien visible sur la photo suivante.

La voiture se voyait alors poser ses éléments de carrosserie manquants, portières et coffre.

Elle partait ensuite à la peinture. Neuf couches, chacune polie à la main avant le passage de la suivante et le tout pour une épaisseur de 180 microns, soit le double de ce qui se faisait "ailleurs", soit 54 heures nécessaires pour peindre et polir la voiture.

Ensuite, la voiture retournait sur la « chaîne » pour recevoir ses trains roulants et son moteur.

Ce dernier était alors testé. Le technicien « assis » dans la voiture contrôlant la conformité des différents paramètres de fonctionnement à l’aide d’un terminal portatif mobile embarquant la cartographie du V12. Pas le pire des jobs...

Notre automobile est dorénavant bien reconnaissable, mais il y a encore du travail...

A commencer par le pare-brise, collé.

La voiture était ensuite équipée de ses roues, montée sur le pont et une mire laser vérifiait que cette Vanquish filerait droit !

On arrive à la fin… Mais, comme on n’est jamais trop prudents, on vérifie que rien ne manque, le moteur est là, les roues aussi, les amortisseurs, les pots… Et deux avis valent mieux qu’un…

Et voilà, bonne pour le service ! Il ne restait plus qu’à lui faire rejoindre ses petites sœurs déjà prêtes. Un petit bilan tout de même : il faut trois semaines et 200 heures pour fabriquer une DB9, il en a fallait le double pour cette Vanquish… Un commencement d’explication, sans doute, au fait que des voitures de cette catégorie sont d’une autre époque.

Une dernière inspection et la voici prête à sortir.


Et pas question de se mélanger…


Quoique… Une exception pour cette fois. En fait, les deux blanches sont bien des "UE" elles aussi, mais, exception due au climat, elles étaient à destination des Emirats.

Voilà… Un petit voyage, en peu empreint de nostalgie à l’idée que c’étaient les dernières voitures à franchir l’enceinte d’une usine qui aura vu passer nombre de voitures qui ont fait l’histoire de la marque. Aston Martin a, semble-t-il, réussi le passage du 21ème siècle, mais les anciens ateliers de Newport Pagnell resteront encore longtemps le symbole d’un pays qui a toujours su allier tradition et modernité dans un style qui n'appartient qu'à lui.
